Hypotension orthostatique causée par les médicaments : étourdissements en se levant
déc., 2 2025
Vous vous levez d’un coup, et tout tourne autour de vous ? Vous avez l’impression de vous effondrer avant même d’avoir fait deux pas ? Ce n’est pas juste de la maladresse. C’est peut-être une hypotension orthostatique causée par vos médicaments.
Ce phénomène, aussi appelé hypotension posturale, se produit quand votre pression artérielle chute brusquement en passant de la position allongée ou assise à la position debout. La norme médicale reconnue : une baisse de plus de 20 mm Hg en pression systolique ou de plus de 10 mm Hg en pression diastolique dans les trois minutes suivant le lever. Ce n’est pas une simple sensation. C’est un signal d’alerte que votre corps ne gère plus correctement la circulation sanguine lors des changements de position.
Quels médicaments sont en cause ?
Plus d’un tiers des cas d’hypotension orthostatique chez les personnes âgées sont directement liés aux médicaments. Ce n’est pas une coïncidence : certains traitements, même prescrits pour des maladies graves, perturbent délibérément la régulation naturelle de la pression artérielle.
Les antipsychotiques comme la chlorpromazine, la clozapine ou le quetiapine sont parmi les plus à risque. Chez les personnes âgées, jusqu’à 40 % d’entre elles développent des étourdissements en se levant après avoir commencé ces traitements. Même les médicaments prescrits pour l’anxiété ou le trouble bipolaire peuvent causer ce problème.
Les opioïdes - morphine, oxycodone - sont aussi très impliqués. Environ 20 % des patients âgés prenant ces analgésiques rapportent des épisodes de vertige ou de syncope. Le risque explose quand ces médicaments sont combinés avec des benzodiazépines ou de l’alcool : la chute de pression devient deux fois plus prononcée.
Les diurétiques comme l’hydrochlorothiazide déshydratent légèrement le corps, réduisant le volume sanguin. Les bêta-bloquants et les inhibiteurs de l’ACE comme le lisinopril détendent les vaisseaux. Les antidépresseurs tricycliques - anciens mais encore utilisés - bloquent les récepteurs alpha, empêchant les vaisseaux de se contracter pour maintenir la pression. Et les médicaments contre la maladie de Parkinson, comme la L-dopa, affectent directement le système nerveux autonome, responsable de la régulation automatique de la pression.
Pourquoi cela arrive-t-il ?
Votre corps a un système de secours : les barorécepteurs. Ce sont des capteurs situés dans les artères du cou et du cœur. Quand vous vous levez, ils détectent la chute de pression et envoient un signal à votre cerveau pour que votre cœur batte plus vite et que vos vaisseaux se resserrent. C’est ce qui vous permet de rester debout sans vous évanouir.
Les médicaments qui causent l’hypotension orthostatique interfèrent avec ce mécanisme. Certains bloquent les récepteurs qui font contracter les vaisseaux. D’autres réduisent le volume sanguin. D’autres encore ralentissent la réponse du système nerveux. Le résultat ? Votre cerveau ne reçoit pas assez de sang au moment où vous changez de position. Et vous, vous sentez que tout bascule.
Qui est le plus à risque ?
Les personnes de plus de 70 ans ont 3,2 fois plus de risque d’avoir une hypotension orthostatique que les jeunes adultes. Ce n’est pas seulement dû à l’âge : c’est souvent la combinaison de plusieurs facteurs.
Prendre quatre médicaments ou plus multiplie le risque par 5,7. Les personnes souffrant de diabète, de maladie de Parkinson ou d’insuffisance cardiaque sont aussi plus vulnérables. Et pourtant, beaucoup ne réalisent pas que leurs étourdissements sont liés à leurs traitements.
Une étude du Mayo Clinic montre que 55 % des patients ont attendu plus de deux mois avant que leur médecin ne relie leurs vertiges à un médicament. Pendant ce temps, ils ont pu tomber, se blesser, ou même se fracturer un bassin. Ce n’est pas une simple gêne : c’est un danger réel.
Comment le diagnostiquer ?
Il n’y a pas de test compliqué. Le diagnostic repose sur une mesure simple : la pression artérielle, allongé, puis debout.
La procédure est claire : vous restez allongé pendant cinq minutes. On vous prend votre pression. Ensuite, vous vous levez lentement. On la reprend à 1, 2 et 3 minutes après le lever. Si la chute dépasse 20/10 mm Hg et que vous avez des symptômes - étourdissements, vision trouble, nausées, faiblesse - le diagnostic est posé.
Attention : 40 % des personnes ayant une hypotension orthostatique ne ressentent rien. C’est pourquoi les médecins doivent systématiquement mesurer la pression en position debout chez les patients âgés ou sous polypharmacie. Ce n’est pas une routine inutile : c’est une mesure de prévention.
Que faire quand on est concerné ?
La bonne nouvelle ? Dans 70 à 85 % des cas, l’hypotension orthostatique causée par les médicaments peut être améliorée - voire disparaître - sans changer le traitement principal.
La première étape : une revue complète de tous vos médicaments. Un médecin ou un pharmacien doit passer en revue chaque comprimé. Est-ce que l’un d’entre eux est connu pour causer ce problème ? Peut-on réduire la dose ? Peut-on le remplacer par un médicament plus sûr ?
Par exemple, remplacer le quetiapine par la ziprasidone peut faire baisser le risque d’hypotension de 40 % à 10 %. Supprimer l’hydrochlorothiazide chez un patient âgé peut faire disparaître les chutes en 72 heures.
En parallèle, des gestes simples font une énorme différence :
- Boire 2 à 2,5 litres d’eau par jour - pas seulement quand vous avez soif.
- Porter des bas de compression - pas les bas de contention médicaux coûteux, mais des bas de compression légères, disponibles en pharmacie.
- Se lever lentement : d’abord passer de la position allongée à assise, attendre 30 secondes, puis se lever.
- Éviter les bains très chauds, les repas trop copieux, et l’alcool - tout ce qui dilate les vaisseaux.
Et si les mesures ne suffisent pas ?
Quand les changements de mode de vie et la révision des médicaments ne suffisent pas, il existe des traitements spécifiques. Le midodrine est le seul médicament approuvé pour traiter directement l’hypotension orthostatique. Il agit en resserrant les vaisseaux sanguins. Il est pris trois fois par jour, avec une dose typique de 10 mg. Dans les essais cliniques, il a réduit les symptômes de 65 %.
Il n’est pas sans effet secondaire : il peut augmenter la pression en position allongée, ce qui peut causer des maux de tête ou un rythme cardiaque irrégulier. Il est donc réservé aux cas sévères, et toujours sous surveillance.
Les conséquences à long terme
Ce n’est pas juste une question de malaise. L’hypotension orthostatique augmente de 15 à 30 % le risque de chute. Et les chutes chez les personnes âgées, c’est souvent le début d’une spirale : fracture, hospitalisation, perte d’autonomie, dépression, décès prématuré.
Une étude montre que les personnes souffrant d’hypotension orthostatique ont un risque accru de 24 à 32 % de décès au cours des 10 prochaines années - même après ajustement pour d’autres maladies. Ce n’est pas une coïncidence : c’est une conséquence directe d’un système circulatoire qui ne répond plus aux besoins du corps.
Les chutes liées à l’hypotension orthostatique coûtent 31 milliards de dollars par an au système de santé américain. Une grande partie de ces coûts sont évitables. Des études montrent que 60 à 75 % des cas pourraient être évités par une simple revue des médicaments.
Quel avenir pour les traitements ?
Les fabricants de médicaments commencent à prendre ce problème au sérieux. Depuis 2020, la FDA exige que les essais cliniques mentionnent le risque d’hypotension orthostatique si l’incidence dépasse 5 %. Les laboratoires développent maintenant des molécules plus ciblées : des agonistes alpha-1A spécifiques qui agissent sur les vaisseaux sans affecter le système nerveux autonome.
Des essais en phase II testent des algorithmes personnalisés qui prennent en compte les marqueurs génétiques pour prédire qui va réagir négativement à certains médicaments. Dans les années à venir, la médecine pourra dire : « Ce traitement ne vous convient pas, pas à cause de votre âge, mais à cause de votre ADN. »
En attendant, la solution la plus efficace reste la vigilance. Si vous ou un proche avez des étourdissements en vous levant, ne les ignorez pas. Ne les attribuez pas à « l’âge ». Parlez-en à votre médecin. Demandez une revue des médicaments. Parfois, un seul changement peut vous rendre la liberté de vous lever sans crainte.
Quels sont les signes d’une hypotension orthostatique causée par un médicament ?
Les signes les plus courants sont des étourdissements, une vision qui s’obscurcit, une faiblesse soudaine, des nausées ou même une perte de conscience en se levant rapidement. Ces symptômes apparaissent généralement dans les 3 minutes suivant le changement de position. Ils disparaissent souvent en s’asseyant ou en s’allongeant à nouveau. Si cela se produit régulièrement, surtout après le début d’un nouveau médicament, c’est un signe d’alerte.
Peut-on avoir une hypotension orthostatique sans prendre de médicaments ?
Oui, mais c’est moins fréquent. Elle peut être causée par des troubles neurologiques comme la maladie de Parkinson, le diabète non contrôlé, ou une déshydratation chronique. Cependant, chez les personnes âgées, plus de 30 % des cas sont directement liés à des médicaments. C’est la cause la plus courante et la plus évitable.
Faut-il arrêter les médicaments si on a des étourdissements ?
Non, ne les arrêtez jamais vous-même. Certains médicaments, comme ceux pour la pression ou la dépression, doivent être réduits progressivement pour éviter des effets de rebond dangereux. Parlez-en à votre médecin. Il pourra évaluer si le médicament est vraiment responsable, et s’il peut être remplacé, réduit ou décalé dans la journée (par exemple, prendre un diurétique le matin plutôt qu’au soir).
Les bas de compression sont-ils vraiment utiles ?
Oui, et c’est une des interventions les plus sous-estimées. Les bas de compression exercent une pression douce sur les jambes, ce qui aide le sang à remonter vers le cœur au lieu de s’accumuler dans les jambes. Ils ne sont pas nécessaires pour tout le monde, mais pour les personnes âgées ou celles qui ont des épisodes fréquents, ils réduisent les étourdissements de 40 à 60 %. Choisissez des bas de compression légères (15-20 mm Hg), disponibles sans ordonnance en pharmacie.
Pourquoi les médecins ne parlent-ils pas souvent de ce risque ?
Parce que beaucoup ne le voient pas comme une priorité. Ils se concentrent sur la maladie principale - hypertension, dépression, douleur - et oublient que le traitement peut en créer une autre. Mais les recommandations évoluent : depuis 2022, les directives américaines exigent une mesure de la pression en position debout chez tous les patients âgés de plus de 65 ans sous polypharmacie. C’est une pratique qui devient standard, mais elle n’est pas encore partout appliquée.
Que faire maintenant ?
Si vous ou un proche avez des étourdissements en vous levant, notez les circonstances : quand cela arrive, à quelle vitesse, combien de fois par jour, et quel médicament avez-vous commencé à prendre dans les 2 à 4 semaines précédentes ?
Apportez cette liste à votre médecin ou à votre pharmacien. Posez la question directement : « Est-ce que l’un de mes médicaments peut causer des étourdissements en me levant ? »
Ne laissez pas cette sensation passer pour un simple malaise. Ce n’est pas normal. Et surtout, ce n’est pas inévitable. Avec une bonne évaluation et quelques ajustements, vous pouvez retrouver votre équilibre - littéralement.
Andre Horvath
décembre 2, 2025 AT 04:29Je suis pharmacien en hôpital, et je vois ça tous les jours. Un patient de 82 ans qui tombe en se levant, et on découvre qu’il prend 7 médicaments, dont 3 connus pour provoquer une hypotension orthostatique. On réduit la dose du diurétique, on supprime un antipsychotique inutile, et en 48h, il marche sans étourdissements. C’est pas magique, c’est de la bonne pratique. Le problème, c’est que les médecins n’ont pas le temps de faire cette revue. Et les patients, eux, n’osent pas demander.
On a besoin de protocoles simples. Pas de nouvelles molécules. Juste de la vigilance.
Galatée NUSS
décembre 3, 2025 AT 10:49Je me suis levée un matin et j’ai cru que j’allais mourir. Tout tournait. J’ai pensé que c’était le stress. En fait, j’avais commencé un nouvel antidépresseur deux semaines avant. J’ai appelé mon médecin, il a changé le médicament. Plus d’étourdissements. J’ai honte de n’avoir pas osé dire « ça va pas » plus tôt. Ce n’est pas normal de se sentir comme un zombie en se levant. On doit en parler plus.
Beat Steiner
décembre 3, 2025 AT 11:12Mon père a eu deux chutes en 6 mois. On a cru que c’était la vieillesse. Puis on a demandé une revue médicamenteuse. On a supprimé un bêta-bloquant inutile. Il n’a plus eu un seul étourdissement depuis. Ce n’est pas une question de chance. C’est une question de regard. Les médecins voient les maladies. On voit les personnes. Et une personne qui tombe en se levant, c’est une personne en détresse. Pas un vieux qui « fait des bêtises ».
Jonas Jatsch
décembre 4, 2025 AT 14:53Je trouve ça incroyable que dans un monde où on peut personnaliser son café, son téléphone, ses playlists, on ne puisse pas personnaliser les traitements médicaux. On prescrit des médicaments comme s’ils étaient des clés universelles. Mais chaque corps réagit différemment. Et on attend que quelqu’un tombe, qu’il se casse la hanche, qu’il soit hospitalisé, pour se dire « tiens, peut-être que ce médicament ne lui allait pas ». C’est une tragédie systémique. On devrait avoir des algorithmes de risque intégrés dans les ordonnances. Pas juste des listes de contre-indications en petit texte. Et les pharmaciens devraient être consultés à chaque nouvelle prescription, pas juste pour délivrer. C’est leur métier aussi, de prévenir.
Kate Orson
décembre 5, 2025 AT 00:43Et bien sûr, tout ça, c’est la faute des labos pharmaceutiques. Ils veulent vendre, pas soigner. Ils savent que ces médicaments font chuter les gens, mais ils cachent les données. Et les médecins ? Ils sont payés par eux. Tu crois que c’est un hasard si les antipsychotiques sont prescrits à tout va chez les vieux ? Non. C’est du business. Et les bas de compression ? Une arnaque pour faire payer les gens 50 euros pour un truc qu’on pourrait faire avec des chaussettes de sport. Ils veulent que tu payes pour une solution bidon, pas pour arrêter les vrais coupables.
marc boutet de monvel
décembre 6, 2025 AT 18:23En France, on a une culture du « je vais me soigner avec un médicament ». On ne pense pas à la posture, à l’hydratation, au temps d’attente. On prend un comprimé, on s’attend à ce que ça fasse magie. Mais le corps, il ne fonctionne pas comme une machine à boutons. Il faut l’écouter. Et les médecins ? Ils sont submergés. Ils ne peuvent pas passer 45 minutes avec chaque patient. Mais il faudrait au moins un rappel systématique : « Attention, ce médicament peut causer des étourdissements. Levez-vous lentement. » Ce serait si simple. Et pourtant…